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22 avril 2007

La vengeance est douce au cœur du Gaspésien

Ayant grandi en Gaspésie, j’ai eu le plus beau terrain de jeu au monde. Plus je vieillissais plus ses limites se repoussaient, découvrant avec le temps de nouveau petits coins inexplorés. Au nord une plantation d’épinettes datant du début des année 80, au sud une lisière de bois puis un «pit de sable», à l’est deux petit monts couronnés chacun d’un pilonne indicateur pour les avions; l’une de ses collines habitant un immense rocher d’où l’on peut voir jusqu’en Chine, et à l’ouest le prolongement de la rue, puis un chemin de terre bordé de quelques fermettes, champs, pommiers… Brève nostalgie pour le simple plaisir.

Dans ma rue, les voisins ne sont pas très distancés et les terrains ne sont généralement pas clôturés, sinon que par des arbres. D’aussi loin que je me rappelle, à aller jusqu’à l’âge de peut-être 8-10 ans, une limite invisible divisait notre terrain de celui de notre voisin est. Puisque la plantation derrière chez-nous ne nous appartient pas, le propriétaire a un droit d’accès (qu’il n’utilise jamais) entre nos deux terrains. D’un commun accord, mon père et le voisin entretiennent cette petite parcelle comme la continuité du terrain, en le tondant simplement.

Mais un jour, Jo, le propriétaire de la dite plantation derrière chez-moi, déclencha une guerre qui dure encore à ce jour. Réputé pour ses magouilles et sa soif du bidou, Jo se réveilla un beau matin avec l’idée de faire un développement résidentiel derrière chez nous. Qui dit développement résidentiel, dit terrain pris en souricière, travaux de terrassement, construction… Bref, perte de la tranquillité recherchée par mes parents étant l’origine de leur motivation à rester à l’écart du «centre ville». Jo incarnait maintenant pour nous le diable.

La rigueur municipale étant assoupie à cette époque (elle l’est sûrement encore au besoin), Jo réussit à débuter ses demandes de dézonage, car une plantation c’est zoné agricole et pour pouvoir construire ça doit être zoné résidentiel. Vous voyez tout de suite la logique : investir dans une plantation et la raser après 15 ans! De plus, vu l’étroitesse de son droit d’accès, Jo n’a pas la largeur minimale requise pour pouvoir y faire une rue et en plus, notre puit artésien (l’eau de la ville ne se rend pas chez-nous) est sur la limite de cet accès. Donc, pour pouvoir poursuivre ses projets, Jo devra acheter quelques pieds de terrain du côté de notre voisin puisque du notre il y a notre garage et le puit. Ajouter à ça, le fait que la création de cette rue provoquerait sans aucun doute la contamination de notre eau par l’écoulement des fossés latéraux.

Heureusement pour nous, ils se trouve que mon père est un technicien en foresterie. À tous les jours il nage dans la paperasse ministérielle de permis, de contrôle et de gestion forestière tout en effectuant une surveillance sur le terrain même, à la grandeur de la Gaspésie. Pour imager la chose, je me plais bien à dire que mon père est non seulement le plus fort mais aussi que si l’on le parachutait n’importe où en Gaspésie, il retrouverait son chemin en moins de deux. Donc, Jo a mal choisi son adversaire.

Mon père alla à l’hôtel de ville, normes sous le bras, plaider sa cause plus que gagnée d’avance. Ensuite il recueilli des échantillons d’eau qu’il envoya analyser afin de pouvoir prouver que notre eau est d’une bonne qualité dans l’optique d'avoir des preuves si Jo effectue des travaux. Finalement, étant ami avec notre voisin, Jo ne pu acheter la partie de terrain qui lui manquait pour avoir la largeur requise pour sa rue. Toucher, couler.

Jo, plus que contrarié préparait sa vengeance. Un beau matin, revenant de l’école, je vis une pelle mécanique débarquer devant chez-moi. En quelques jours, Jo avait arraché le gazon, poser du «stuff» (sorte de pierre concassée) et, le coup de grâce, planté une clôture de part et d’autre de son accès. Une clôture, faut-il le spécifier de type clôture à vache : billots de bois brut et broche carrelée… Vraiment chic!

Mon père en furie, Jo fier de lui, cette clôture c’est le deuxième mur de Berlin… Au fil du temps, nous avons fini par accepter cette barrière, l’atténuant par quelques arbres plantés, mais rêvant qu'un météorite ne l'écrase soudainement.

Depuis quelques années, Jo s’est construit un chalet sur le terrain derrière chez-nous. Vu les dimensions du terrain, on ne peut voir la construction, donc ça ne change pratiquement rien pour nous, sinon qu’il y a un plus grand achalandage entre les deux clôtures. La situation est donc en état de dormance, plus d’affrontement, mais une rancœur certaine.

La semaine dernière, ma mère me téléphone en me disant que mon père après toutes ces années a obtenu vengeance, et ce sans même lever le petit doigt! Il se trouve que ce jour là, Jo, complètement saoul, dévalait avec son pick-up le chemin de chez-lui menant à la rue et que totalement incapable de conduire correctement, il fonça dans la magnifique clôture à vache! Mon père dans son garage regardait la scène d’un œil plus que réjouit. Jo intoxiqué par l’alcool, son pick-up pris dans le rempart, incapable de l’y déloger… Puisqu’un ami le suivait derrière avec un autre pick-up ils partirent chercher un tracteur pour décoincer le véhicule accidenté. Pendant ce temps mon père entra dans la maison afin de pouvoir admirer les faits de plus près, et de parsemer de quelques sacres les «tient c’est juste ça que tu mérites» devant le regard amusé de ma mère.


Après un moment, Jo était de retour avec son tracteur et il commença à essayer de décoincer son pick-up de là. Quand soudain… une auto patrouille s'approcha doucement. Les policiers se rendirent compte immédiatement de l’état d’ébriété avancée de Jo et discutèrent avec lui. L'idiot, aggravant son cas, défiait les policiers, il gesticulait abondamment, insultant les agents, jusqu’à ce que l’un d’eux le saisisse et l’embraque pour l’emmener au poste. Mon père dans un état de jubilation extrême, n’en revient juste pas! En plus ce n’est même pas lui qui a appelé les policiers. De sa fenêtre, il immortalise ses souvenirs magiques avec sa caméra, la vengeance est douce au cœur du Gaspésien.

2 commentaires:

Anonyme a dit...

Ouin, une chance que Jo n'a sûrement pas internet...

Véronique a dit...

Rien à battre de Jo... Peut-être est-ce Jo Wong?!